les petites bêtes n’ont jamais mangé les grosses

Pour démentir cet adage que tout parent saisit promptement pour rassurer son enfant devant sa première grosse araignée, voici l’histoire dont je fus témoin un jour et que j’ai suivie d’un œil attentif entre le café, les tartines et le ménage.

Ne vous attendez quand même pas à une scène digne d’un film d’horreur, où une araignée de jardin se serait emparée du chien, l’aurait tiré dans sa toile puis momifié avant de l’avaler goulûment, le tout sur fond de piaillements canins à vous déchirer le cœur et vous glacer le sang. Non, non, non. Il n’empêche que je fus très surprise.

En route vers la cafetière, j’aperçois du coin de mon œil gonflé de sommeil (c’est toujours par là qu’arrivent les visions d’horreur) une grosse araignée de jardin d’environ 2 centimètres de diamètre. Je ne sursaute même pas ; l’avant-veille, c’était une velue de 5 centimètres qui nous guettait (du coin de l’œil, elle aussi) au-dessus du lit. Je soupire juste à l’idée qu’à peine levée, je vais devoir entreprendre un « sauvetage » d’araignée. En effet, je ne les tue pas ; je les emprisonne dans un verre, le plus grand que je puisse trouver, que je coiffe d’un CD par exemple, et transporte l’insecte tout replié de terreur vers l’extérieur où je le lâche (le « jette » plutôt, c’est vrai) en lui souhaitant bonne chance. Si ce n’est pas trop tard le soir, je suis prête à faire 50 ou 100 mètres pour m’assurer qu’il aille vivre sa vie assez loin de moi.

Mais je remarque aussitôt que cette araignée-là se comporte étrangement, comme empêtrée dans quelque chose. Et quelques centimètres plus haut, je vois une toute petite araignée, genre 5 millimètres, occupée à tirer sur ses fils. Fils reliés à l’araignée au sol. Bon sang, tous les fils d’araignées ne sont-ils pas faits de la même substance, justement pour éviter le cannibalisme ?! Eh bien non ! Et la « colle » de la petite araignée a bien pris au piège la grosse. Bien sûr, le poids de cette dernière va faire durer son agonie. La petite araignée n’est pas assez costaude pour tirer la grosse dans son antre tant qu’elle se débat. Mais l’autre s’épuise, apparemment s’entortille (c’est invisible à l’œil nu).

Et quand je repasse une heure plus tard, balai en main, la grosse araignée n’est plus plaquée au sol, mais dans les airs, recroquevillée. La petite est une vraie teigne : elle l’attaque sans cesse, se repliant prestement à chaque fois pour se parer des mauvais coups des grandes pattes de l’autre. Je ne connais pas leurs mœurs, aussi ne puis-je vous décrire avec davantage de détails croustillants ou dégoûtants ce qu’elle est en train de lui faire…

Peu de temps après, la grosse araignée est momifiée et prête à être dégustée.

Comme à chaque jour suffit sa peine, je ne chercherai pas de métaphore (facile) sur les petits hommes de pouvoir, par exemple…

Mais…on en apprend vraiment tous les jours…

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26 mai 2008