lettre à anna

Ma belle, ma douce

Nous irons contre le monde. Nous boirons des alcools forts, oui, mais surtout du vin qui sentira la terre, l’écorce, les fleurs blanches ou la vanille. Chaque bouteille sera un voyage dans notre pays, dans nos forêts, nos champs et nos vergers.

Nous chevaucherons des chevaux de vent, d’écume, de sueur et de fourrure. Nous nous épuiserons sur leur dos vaste et solide. Nous danserons avec eux. Nous allons parcourir des années lumière, des vies entières d’hommes et de femmes.

Tu verras, nous ferons le ménage en écoutant de la musique, fort. Nous balancerons nos hanches autour d’un balai rock, nous piègerons la poussière sur un chiffon blues, nous étriperons le gras au son d’une salsa épicée.

D’Octobre à Mars, nous ferons un feu chaque soir, et créerons ainsi cette parenthèse orangée où tout est permis. Nous chaufferons nos pieds et nos os glacés. Plus tard chaque soir, je te raconterai nos lendemains.

Nous nous roulerons dans le sable, je t’enterrerai jusqu’au cou, je te libèrerai et nous plongerons, fourchette en main, ramasser des moules et des oursins dont nous saurons faire un festin sur une plage douce, sur des rochers découpés, sur les coquillages blancs et noirs d’une crique espagnole.

Tu cueilleras des fleurs, des tiges de bois, des roseaux fanés, des asperges montées en graines pour décorer notre maison de pierre de bouquets farfelus. Ta fantaisie sera ma poésie, ta voix sera ma mélodie, ta douceur sera mon édredon, tes rondeurs seront mes pare-chocs contre le monde, tes rêveries seront une partie de mes nouveaux désirs. Je connais tes faiblesses, tes manquements possibles, mais je n’ai pas peur.

Je m’occuperai de toi, je détruirai lentement tes doutes, je dénouerai patiemment les fils qui t’ont peu à peu désarticulée, je grignoterai avec gourmandise les parties de ton corps qui te gênent, je t’emmènerai plonger, courir, sauter, nager, marcher. Je ferai les courses en pensant à toi, je palperai les figues pour toi, je résisterai à ta tentation devant la confiture de lait, j’achèterai de la lessive écologique, je rêverai chaque matin au festin que je te concocterai le soir. Je tresserai chacune de nos journées pour que tu t’épanouisses tout à fait et deviennes enfin ce que j’ai vu de toi. Je te montrerai le monde qui a lentement modelé ce que je suis aujourd’hui.

Tu connais mes peurs ; celle de la solitude. Celle que tu aies fait le tour de moi avant que j’en ai fini avec toi. Celle de vieillir. Celle de me lever sans avoir une idée précise de la journée à venir. Celle de ne plus aimer. Celle de ne pas être ton éternité. Je te les ai dites pour que tu les guettes.

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29 janvier 2009

par exemple …

Dans l’article sur l’appel des appels, je mentionnais l’arrivée grand-guignolesque de l’anglais au Brevet National des Collèges, histoire d’illustrer mon propos sur la manière dont les réformes sont « pensées » (HUM!!!) et soit-disant menées.

L’anglais au Brevet. (en fait : une langue vivante au brevet)
Depuis des années maintenant, les élèves de 3ème passent une épreuve finale en Français, Histoire-Géo et Maths, dont les résultats, additionnés à ceux du contrôle continu en 4è et 3è permettent, ou non, d’obtenir ce … diplôme ? (A mes yeux, le seul éventuel mérite de cette épreuve est de mettre les gamins officiellement en condition d’examen, histoire d’apprendre à gérer l’angoisse, le temps …). Les profs de ces matières sont convoqués fin Juin pour corriger, moyennant quelques dizaines de centimes la copie.

Il était régulièrement question d’inclure une langue vivante.

Ce qui fut fait à la rentrée 2007, à notre grande surprise (encore un truc concocté en plein été, par on ne sait qui). Disons que lors de l’Assemblée Générale de la rentrée, on nous dit : « Une langue vivante est désormais incluse au DNB (diplôme national du brevet)« . « Et sous quelle forme? » demandons-nous. « Euh … ce n’est pas très clair encore. », nous rétorque-t-on. « En revanche, si les élèves n’ont pas le niveau dans cette matière, ils n’ont pas le brevet. »
Waow … nous sommes passés du statut « matière parfaitement négligée par le brevet » à celui de « matière éliminatoire »!!! Des promotions pareilles, ça se manipule avec précautions……

Que nenni! Durant des mois, les consignes ont changé plusieurs fois, avec pour seule constante que ça ne se passerait pas sous forme d’épreuve finale avec copies à corriger (et à payer, donc ….). Sachant que l’on doit vérifier que les élèves ont le niveau A2 européen (= niveau fin de 5ème), on nous a d’abord dit qu’ils devaient avoir la moyenne sur l’année de 3ème. Sauf qu’un gamin qui a 09/20 en 3è n’est pas forcément dépourvu des acquis attendus en fin de 5è… Bon, ben alors, euh … débrouillez-vous pour leur faire passer une épreuve commune visant les acquis demandés. Ben voyons, et donc chacun fait sa petite cuisine pour une épreuve dite « nationale » ..??

Finalement, au printemps, on nous balance une grille de compétences et savoir-faire divers … 25 petites cases à cocher (genre « acquis », « en cours d’acquisition », « non-acquis » ..). Examinée de près, c’est le genre de grille qui vous prend trois fois plus de temps à remplir que la correction d’une copie .. Non pas que je ne veuille pas travailler, mais là on nous prend quand même pour des truffes.

J’ai trouvé le procédé tellement minable, mal amené, péremptoire, méprisant … qu’en ce qui me concerne, j’ai donné le niveau A2 à tous mes élèves de 3è, ne serait-ce que parce que je trouve profondément injuste de priver des gamins de l’obtention du brevet sous prétexte qu’ils coincent en langue étrangère.
Ce n’est même pas parce que ça entacherait leur parcours scolaire (on peut passer au niveau supérieur sans avoir le brevet …), mais bien pour des raisons de cohérence. On bassine les gamins pendant deux ans avec cette épreuve, on les prépare à passer l’examen dans trois matières, une bonne partie d’entre eux prend cela au sérieux, et on viendrait leur sucrer le résultat de leur travail en leur disant : « Ouais mais … t’es vraiment trop nul en anglais / espagnol… » ????
Le problème se pose à nouveau cette année.

À suivre …

Je précise, donc … Je n’ai rien contre l’inclusion d’une langue vivante dans l’obtention du DNB, mais déjà … qu’on lui enlève son caractère éliminatoire !

Parce que sinon … hein … on pourrait briser des carrières …

Sorry … I couldn’t resist   😉

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27 janvier 2009