« M’aimes-tu ? »
« Oui. »
« Comment m’aimes-tu ? »
Un long silence.
« Comme au soir d’une longue journée brûlante, un été. »
Elle sourit un peu et respire profondément. Elle a soif. Elle boit l’e au fraîche posée sur le muret. Il ne fait pas encore tout à fait nuit. Sur l’horizon, les flammes du soleil parti brûler d’autres contrées. Sa peau s’en souvient encore un peu.
Les fleurs bleu ciel de l’ipomée ont fermé leur corolle. D’autres se préparent pour naître demain. Le figuier là-bas ramasse ses ombres avant que la nuit tombe tout à fait, et l’olivier commence à doucement bouger ses feuilles étroites. Il y aura un peu d’air cette nuit.
« C’est l’heure, non ? »
Une main dans une main. Le crissement des cailloux sous leurs semelles, puis le chuchotement des herbes, et enfin le sable, tiède. La mer est encore loin mais elle remplit l’horizon, elle scintille, elle bouge, elle murmure, il n’y a qu’elle maintenant. Elle envoie ses longs doigts en une invitation lancinante et langoureuse. Elle bruisse des appels complices et amusés. Elle leur raconte déjà le voyage, elle les rassure, elle est à la fois douce et énergique. Elle saura les porter.
« Comment m’aimes-tu ? » Sa voix tremble un peu.
« Comme un frisson sur le corps. »
Elle sourit un peu et exhale son inquiétude. Elle pousse le bateau. Les voilà sur l’eau. Elle se penche mais ne se voit pas. Les miroirs furtifs jouent avec elle, n’accrochent jamais son reflet. Elle pense qu’ils préfèrent les étoiles, elle trouve cela normal. Elle penche la tête en arrière et se laisse happer par la voûte céleste. Elle hésite entre rire et pleurer… C’est si bon. C’est si fort. C’est tellement éternel. Elle hésite entre dormir ou rester éveillée, mais elle craint l’oubli, alors elle regarde, elle écoute, elle hume, elle palpe et caresse la chair d’un bras, la peau fraîche d’une épaule, d’un visage qu’elle embrasse.
« Comment m’aimes-tu ? », un murmure.
« Tu es mon rire intime à la face du monde. »
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Antony, juin 2002 – Ici, avril 2003
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7 février 2009