(ursule) nos fragiles débuts

Première visite d’Ursule chez mes   parents : ma mère voit la boule de poils, s’accroupit avec un sourire jusqu’aux oreilles en gagattant des « Alors, mon petit Ursule ! Bonjour, Ursule… ». Le chien, excité par tant d’amour (bah…excité comme d’habitude) fracasse un vase chinois avec sa queue joyeuse.

Un silence de mort s’abat dans ma tête…

Ma mère : « Eh ben ça commence bien ! Ah bravo ! Heureusement, c’est un faux ! »

Ouf…Ou fou… ce chien est un petit fou qui, sans les couleurs de l’Arlequin, ravira toute ma famille de ses bouffonneries.

Il m’est venu d’un pays libre, il sera libre ! Je vis dans les champs, je ne vois pas où est le problème. Quand je rentre, je le lâche. Mais je l’enferme dans la maison quand je pars travailler. Résultat : trois paires de chaussures, une demi-douzaine de coussins, un pull, une veste, la télécommande et le téléphone portable.

Bien, bien, bien…
Bon alors d’accord, je le laisse dans le jardin. Ce qui donnera les plates-bandes un peu défigurées et le grillage mis à mal tandis qu’il s’évertue (et parvient) à passer dessous.

Okay ! Après tout ce chien m’a choisie, il pourrait repartir quand il veut …  je passe à l’étape suivante : je laisse la porte-fenêtre ouverte (fermée, mais non « cliquée ») et le portail entr’ouvert, je lui dis fermement de ne pas bouger, je fonce à la voiture déjà en marche et démarre en trombe, suis déjà à 60 km/h au bout de 100 ou 150 mètres quand je le vois débouler à fond de train dans mon rétroviseur. Il abandonne vite la course, mais quand même, c’est flippant et stressant, ces débuts de journées de travail.
Et puis, du coup, pour lui, ce sont de folles promenades dans la nature chaque jour, dont il me ramènera une énorme dépouille détrempée de ragondin, amoureusement déposée SUR le canapé, un lézard vert de 25 cm blessé, plusieurs petits lapins morts, des sachets de souricide, quelques blessures sur son propre poitrail blanc (il adooore les ragondins, cet idiot !) et quelques odeurs insoutenables.

J’ai donc assez rapidement « découvert » que ce chien est … légèrement incontrôlable. Mon entourage bienveillant me susurre à l’oreille des mots tels que « castration », « collier à décharges électriques», « grosse chaîne métallique » et autres douceurs d’un autre temps davantage destinées aux pitbulls modernes. Ca va pas la tête, non ?!
A suivre…

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19 juin 2008

passé simple

publié pour « Écriture Ludique »

mots imposés + compléter (Virginie Edensland)

A partir de la courte phrase « IL ETEINT LA LUMIERE (…) ET FERMA LA PORTE LENTEMENT (…) », il s’agit d’écrire un texte qui viendra s’insérer dans les … (il y a donc deux parties à écrire), en incluant les 7 mots suivants (les verbes peuvent être conjugués, comme toujours) :

fenêtre, vent, changer, rester, ramasser, corné, dehors.

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PASSÉ SIMPLE

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Il éteint la lumière en soufflant sur la petite bougie qu’il avait allumée pour finir de lire le journal.

Maintenant les ombres du figuier et de l’amandier se sont tout à fait ramassées devant la terrasse. Le soleil n’est qu’un souvenir.

La nuit est là, enfin.

Avec son cortège de crapauds qui chantent leur hymne à l’amour et de chauve-souris aux piaillements suraigus, et ces bestioles dont il ne connaît pas le nom qui prennent la relève des cigales.

Avec ce tout petit vent qui berce le carillon de bambous, les premières étoiles, un peu pâles et tremblotantes, et le parfum tournoyant du chèvrefeuille.

Tu devrais être ici.

Il reste là, dans le fauteuil en osier, immobile, et s’imprègne de l’atmosphère. Il guette les imperceptibles changements qui annonceraient son arrivée.

La petite lampe laissée allumée à l’intérieur projette ses lueurs faibles et troubles à travers la fenêtre du salon, et il devine le lent cheminement d’un hérisson non loin du massif de lauriers roses.

Tu es là, j’en suis sûr.


Une ombre. Lisa.

« Papa, je peux regarder un peu les clips à la télé ? »

Il la regarde, hésitant.
-« Lisa, cette rédaction que tu dois rendre, je pourrais la lire encore ? »

Il se sent un peu nerveux. Elle ne montre aucune émotion.

-« On l’a rendue hier. »

-« Ah, euh… bon, tu as pris le temps de relire ? »

-« Oui, oui, mais tu sais, c’est le genre de sujet où on peut inventer. »

-« Inventer l’orthographe ? Changer la grammaire ? Il ferait beau voir ! »

Elle rit, apparemment soulagée.

-« Je crois que j’ai trouvé six ou sept fautes, mais je ne sais pas… Je peux regarder les clips, juste une petite heure ? Ou tu veux regarder un truc en particulier ? »

-« Ouh la non, tout à l’heure j’ai regardé le soleil faire sa conquête de l’Ouest, et là j’attends minuit, … l’heure du crime ! »

Elle rit encore en se penchant pour l’embrasser sur la joue.

-« C’est vrai qu’il fait bon dehors, mais ce chèvrefeuille … il pue trop ! »

Et elle se sauve en esquivant la claque farceuse de son père.


Es-tu toujours là, fleur odorante?

Il entend de très loin les riffs d’une guitare beaucoup trop électrique à son goût.

… Ce jour-là, Bertrand ne lâcha pas la main de sa fille une seule fois. Et quand tout fut fini, il la prit dans ses bras et ferma la porte doucement.

 

Il n’aurait pas vraiment eu besoin de relire cette rédaction. Il l’avait lue une fois et avait tout mémorisé. Il lui avait dit que c’était très bien écrit mais qu’il y avait un certain nombre de fautes. Il lui avait fait remarquer que la feuille était cornée. Ce serait mieux de tout refaire au propre.

Elle avait travesti les lieux, les dates, les noms. Elle avait bouleversé la chronologie de cette journée-là. Mais il avait compris dès la première ligne et en était resté estomaqué.

Lisa n’a que douze ans. Elle a beaucoup de style et n’est pas si fâchée que ça avec l’orthographe, un peu avec le passé simple.

Lisa a déjà douze ans.

Déjà dix ans qu’elle a perdu sa maman.

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Juin 2008

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17 juin 2008