mon bel amour, ma déchirure

Il est des instants clairs et purs

Comme il est des moments obscurs.

 


Il est des jours si sombres

Et des nuits tellement claires


Il est des caresses très dures

Comme il est de doux murs.


Joyeux grossiers jurons

Et tristes grands mots.


Nécessaires moisissures

Et futiles parures.


Il est des eaux qui dessèchent

Et des feux qui abreuvent.


 

Il est de pauvres armures

Comme il est de riches fêlures

 


Il est de beaux fruits qui puent

Et de vilaines fleurs enivrantes.


Perles pures

Ou joyaux obscurs.


Maintes fausses certitudes

Tant de vrais mensonges.

 

 

Il est des instincts sûrs

Comme il est d’inévitables brûlures.

 


Il est des paroles vaines et vides

Et des regards essentiels.

 


Il est de froides fourrures

Comme il est de si chaudes pelures.


Il est de belles amours

Qui sont des déchirures.

*
Avril 2003/ Juin 2008

*

24 juin 2008

le monde de loreleï

publié dans Écriture Ludique
consigne :

43 – Titres de chansons Hubert-Félix Théfaine  (Kildar/ soutenu par Dame Aga)

Ecrire un texte à l’aide de 35 titres de chansons de  Hubert-Félix Thiéfaine
Que ce soit en prose ou en vers importe peu, la seule « obligation » sera d’utiliser au moins 20 de ces titres sur les 35 proposés.
j’en ai utilisé 32 : je t’en remets au vent  /  l’ascenseur de 22h43  /  la cancoillotte  /  la fille du coupeur de joints  /  la fin du Saint Empire Romain Germanique  /  la maison Borniol  /  le chant du fou  /  première descente aux enfers par la face Nord  /  la vierge au dodge 51  /  la môme kaléidoscope  /  dernière station avant l’autoroute  /  rock autopsie  /  autorisation de délirer  /  alligators 427  /  113è cigarette sans dormir  /  Narcisse 81  /  mathématiques souterraines  /  taxiphonant d’un pack de Kro  /  cabaret ste lilith  /  une fille au rhésus négatif  /  exil sur une planète fantôme  /  ad orgasmum aeternum  /  les dingues et les paumés  /  je ne sais plus quoi faire pour te décevoir  /  amant destroy  /  pulque, mescal y tequila  /  droïde song  /  demain les kids  /  un automne à Tanger  /  542 lunes et 7 jours environ  /  Zoo Zumains Zébus  /  Lorelei sebasto cha

*

LE MONDE DE LORELEI

 

 

Je ne sais plus quoi faire pour te décevoir, te faire réagir, que tu cesses de me voir comme ton alter ego, que tu me quittes, quoi ! Je savais pas partir, je savais pas quitter, mais là, je t’en remets au Vent Bleu de cette fichue planète, je te laisse avec les dingues et les paumés qui ne te lâchent plus, ces « nerds » fondus de mathématiques souterraines trop shootés au Belzébuth ou au Narcisse 81 pour savoir ce que ça veut dire et pouvoir en faire profiter les filles.

542 lunes et 7 jours environ de ce foutu monde passés avec toi, ça ferait long sur Terre. Me voilà en exil sur une planète fantôme, je suis devenue une fille en noir et blanc, une fille au rhésus négatif tellement tu m’as chargée aux toxiques, une fille qui vient de faire sa première descente aux enfers par la face Nord, pour te dire comment je suis glacée…

Ca m’étonnerait que tu comprennes pas, c’est quand même à la Maison Borniol qu’on s’est rencontrés, pour le lancement de la nouvelle Narcisse, une sacrée explosion dans les veines et dans la tête. Tu me voyais en mosaïque, tu m’as appelée « la môme kaléidoscope », mince, j’avais jamais tripé comme ça ! On a plongé dedans, mais moi moins que toi et tes copains. C’est pas venu tout de suite, mais c’est venu quand même. Et cette nuit, à la 113è cigarette sans dormir (puisque tu t’amuses à faire ton compte à rebours vers le Néant) et au 45è cocktail pulque, mescal y tequila, j’ai ouvert les yeux, j’ai vu, je me suis souvenu, c’est pas une vie, c’est pas ma vie, ça.

Je suis partie, Hubert, tu seras le seul amant destroy de ma petite collection.

Lorelei Sebasto Cha, la fille du coupeur de joints de Tarifa (Félix Cha, le seul détenteur d’un agrément gouvernemental), marche d’un pas fatigué dans l’allée C qui mène à la Station 4.

Elle veut rentrer sur Terre.

Avant d’attaquer sa spécialisation en technogénétique sur les alligators 427, elle avait voulu s’offrir un tour des Planètes Extérieures, une autorisation de délirer, en somme, parce qu’une fois « tatouée » au Ministère de la Survie, c’en serait fini des voyages, des petits plaisirs, des moments où l’on se laisse flotter, divaguer, rêver.. Au moins pour vingt ans. Elle le savait, elle l’avait choisi. Tant d’espoirs reposaient sur ces alligators, sur cette erreur de manipulation au Labo 50, un automne à Tanger… On vivait si mal sur Terre, mais trop de gens préféraient fuir à l’Extérieur pour vivre ad orgasmum aeternum, sans chercher à comprendre, sans vouloir essayer, un peu. Pour Lorelei, c’était assez limpide : l’écodictature était nécessaire, difficile à vivre mais incontournable, d’autant qu’aucun de ces autres mondes ne disposait naturellement de tout ce que la Terre leur avait longtemps prodigué pour faire d’eux les Humains. Seulement des mondes artificiels, qui finiraient par s’écrouler, plus vite encore que la planète mère.

Lorelei avait fait son choix. Très tôt. Peut-être quand elle avait entendu le chant du fou. Un tout petit homme, tout gris, tout sale, qui avait squatté le Vieux Schnoque (le dernier arbre de Toulouse) deux matins de suite, chantant sa Droïde Song où il était question de la fin du Saint Empire Romain Germanique. Elle n’avait pas tout compris, mais se souvenait encore des derniers mots de la chanson que le petit homme sifflait, les yeux exorbités et larmoyants : « Demain les kids, vous finirez au Zoo Zumains Zébus ! » . Il avait été embarqué par la Garde Verte et avait sans doute fini à la Cancoillotte, « là où c’est qu’on t’met la cervelle en fromage » lui avait expliqué sa grand-mère.

Le voyage était terminé, se terminait assez mal d’ailleurs. Pendant des mois, elle avait fait presque tous les trucs dont elle avait entendu parler : l’ascension de la vierge au dodge 51, sur Elizabeth I ; le fameux concert permanent de musique décadente « Rock Autopsie » sur Metal-i-KA ; les joutes artistisques du Cabaret Ste Lilith sur Oulipo ; la fabuleuse glissade sur le toboggan temporel juste en « taxiphonant d’un pack de Kro », sur Delirium Tremens (publicité mensongère, soit dit en passant, puisqu’on numérotait le code sur un plasma dernier cri, assis sur un antique pack de Perrier !) ; les incroyables expérimentations musicales sur les instruments naturels de la planète Thiéfaine. Elle avait détesté le safari sur la planète Zoo, adoré le trek sur Arakis, planète des sables puis atterri sur Fiesta pour terminer, croyait-elle, en explosive beauté. Entre la lecture du petit guide avant de quitter la Terre et son arrivée à Samba, le quartier le plus populaire, la petite planète avait perdu l’essentiel de ce qui avait fait d’elle le centre des festivités joyeuses et rythmées : les pôles d’organisation et les différentes troupes s’étaient peu à peu fait infiltrer par des trafiquants de toxiques pour qui s’amuser rimait avec se défoncer.

Elle marchait d’un pas fatigué, mais l’esprit alerte et vigilant, observant chacun des corps allongés ou entassés sur les côtés de l’allée. Tout pouvait désormais arriver, elle était seule.

Elle se sentit enfin en sécurité lorsqu’elle eut franchi l’espèce de boudin jaune qui cernait la Station.

–         « Un jeton pour l’ascenseur de 22h43, STP. »

–         « Désol, miz, il est en panne. T’as le 22h71 à la dernière station avant l’autoroute, un service touk touk peut t’y escamper avec les autres voyageurs d’ici quelques sec’. »

–         « Cool. »

–         « Il reste que de la Classe Plastique, tu prends quand même ? Bien, arrivée sur Gibraltar à 5h22, température 34, indice nuageux Acide Léger, indice CO2 inchangé. Les combis sont dans l’ascenseur, maintenant, on a changé les règles, c’était pas assez fun. Voilà ton comprimé. »

22 juin 2008

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22 juin 2008