photographier

Bon, c’est un peu le Big Rien par chez moi ces temps-ci, ça m’énerve plutôt parce qu’en général, dans ces cas-là, je me sens coupée de mon « être intérieur » … (oui, je vous l’avais pas dit ? On est « plusieurs » : la prof, la « plume », Bridget et Patapouf, la môme …)
Bon Tata Huguette m’a rassurée, sans le faire exprès, en publiant un article sur le fait qu’on n’est pas au top tout le temps…
Je suis « réduite » à avoir envie de vous poster des photos, juste … comme ça, avec ou sans commentaires de ma part, en espérant bien qu’elles vous feront causer, eh! eh!
Parce que c’est toujours pareil, j’aime bien qu’on cause!

J’ai commencé à trier quelques photos, plusieurs m’ont accrochée.
J’adore prendre des photos, mais avec mon automatique argentique, c’est limité, même s’il m’a permis de faire de belles photos aux États-Unis et au Maroc, je ne renie rien! Mon problème, c’est que je mitraille (25 pellicules en 23 jours aux États-Unis….) … ça coûte un peu cher, quand même  😉

Ce que j’ai découvert dans la photographie, outre le plaisir de saisir un paysage renversant,

arrivée à notre campement sur les bords d’un lac, Massif du Toubkal, Maroc, 1996

… ou d’être immortalisé en plein éclat de rire, en famille, au jardin … ou dans des situations plus exotiques,

 grosse soif, Massif du Toubkal

c’est de décaler son regard, jouer avec le cadrage, s’attarder sur un détail … Je crois que j’ai appris à mieux regarder de manière générale depuis que je m’intéresse à la photo, et aussi à regarder de plus près, à découvrir le graphisme d’un petit mètre carré ici, ou d’une branche en travers d’un paysage .. Exemple, toujours au Maroc, où les photos ci-dessus sont surtout là pour vous montrer l’impression d’un paysage assez uniforme, peut-être même ennuyeux, comme ici …

… eh bien non!
on peut trouver des choses, des PETITES choses, mine de rien (mine de crayon), là, en « tombant » le regard (Je ne dis pas que je réussis toutes mes photos, hi! hi! loin de là!)

c’est sans doute ce que je préfère (et c’est pour ça que j’embête tout le monde à l’approche de mon anniv’ avec le mot APN, APN, APN, …..)

un exemple, au Maroc toujours …
j’adore cette photo
je l’appellerais bien « Le Chant des Pierres », ou quelque chose comme ça..

je ne saurais vous dire …
ce que je vois là, m’émeut…

En parlant photo, je me régale de celles postées par Pandora (trek en Inde), Tata Huguette (tourisme in ze Gers  +  insectes et fleurs), Azalaïs (nature, insectes ..) et … Godnat!
et j’aime aussi beaucoup ce que nous propose B.secret, juste une photo avec un titre, un décalage, du N&B … qui laisse souvent partir l’imagination

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16 septembre 2008

colette

J’ai abandonné provisoirement ma lecture du « Chirurgien ambulant », épopée d’un jeune espagnol à la recherche de ses racines dans l’Espagne du XVIè siècle, pour me replonger avec délice dans une lecture « éparse » de Colette.
Chacune de ses phrases est une peinture ou une photographie en elle-même; à chaque ensemble de mots par ses soins assemblés, je suis, deviens, aime ou déteste, observe, interroge ce qu’elle (d)écrit.
Elle est notamment mon écrivaine champêtre et bucolique préférée à ce jour et j’ai choisi ici l’un de ses souvenirs d’enfant se promenant dans la nature; j’en aime tout particulièrement la dernière phrase, fulgurante par sa sérénité et sa lucidité…

Goûtez donc, si vous le voulez bien. Et pourquoi pas me dire ce que vous en pensez?   😉

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[…] Car j’aimais tant l’aube, déjà, que ma mère me l’accordait en récompense. J’obtenais qu’elle m’éveillât à trois heures et demie, et je m’en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues.
A trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensibles que tout le reste de mon corps … J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion…
Ma mère me laissait partir, après m’avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or »; elle regardait courir et décroître sur la pente son oeuvre  – « chef-d’oeuvre », disait-elle. J’étais peut-être jolie; ma mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d’accord… Je l’étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu’à mon retour, et de ma supériorité d’enfant éveillée sur les autres enfants endormis.
Je revenais à la cloche de la première messe. Mais pas avant d’avoir mangé mon saoul, pas avant d’avoir, dans les bois, décrit un grand circuit de chien qui chasse seul, et goûté l’eau de deux sources perdues, que je révérais. L’une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-même son lit sableux. Elle se décourageait aussitôt née et replongeait sous la terre. L’aitre source, presque invisible, froissait l’herbe comme un serpent, s’étalait secrète au centre d’un pré où des narcisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de jacinthe… Rien qu’à parler d’elles je souhaite que leur saveur m’emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j’emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire …

Colette
in « Sido »
©Librairie Hachette, 1901

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15 septembre 2008