Je viens d’apprendre que le Nobel de Littérature a été décerné à JMG Le Clézio, et vous pouvez pas savoir comme ça me fait plaisir!!
Autant plaisir que lorsque Toni Morrison l’a eu!!
Je vous reparlerai de Toni Morrison, mais là, je ne résiste pas au plaisir, au délice, de vous communiquer un extrait de « Désert », de JMG, donc.
(premières pages … les « hommes bleus », les Touaregs)
Il n’y avait rien d’autre sur la terre, rien, ni personne. Ils étaient nés du désert, aucun autre chemin ne pouvait les conduire. Ils ne disaient rien. Ils ne voulaient rien. Le vent passait sur eux, à travers eux, comme s’il n’y avait personne sur les dunes. Ils marchaient depuis la première aube, sans s’arrêter, la fatigue et la soif les enveloppaient comme une gangue. La sécheresse avait durçi leurs lèvres et leur langue. La faim les rongeait. Ils n’auraient pas pu parler. Ils étaient devenus, depuis si longtemps, muets comme le désert, pleins de lumière quand le soleil brûle au centre du ciel vide, et glacés de la nuit aux étoiles figées.
[…]
Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit. Ils étaient apparus, comme dans un rêve, en haut d’une dune, comme s’ils étaient nés du ciel sans nuages, et qu’ils avaient dans leurs membres la dureté de l’espace. Ils portaient avec eux la faim, la soif qui fait saigner les lèvres, le silence dur où luit le soleil, les nuits froides, la lueur de la Voie Lactée, la lune ; ils avaient avec eux leur ombre géante au coucher du soleil, les vagues de sable vierge que leurs orteils écartés, touchaient, l’horizon inaccessible. Ils avaient surtout la lumière de leur regard, qui brillait si clairement dans la sclérotique de leurs yeux.
[…]
Ils avaient marché ainsi pendant des mois, des années, peut-être. Ils avaient suivi les routes du ciel entre les vagues des dunes, les routes qui viennent du Draa, de Tamgrout, de l’Erg Iguidi, ou, plus au nord, la route des Aït Atta, des Gheris, de Talifelt, qui rejoignent les grands ksours des contreforts de l’Atlas, ou bien la route sans fin qui s’enfonce jusqu’au coeur du désert, au-delà du Hank, vers la grande ville de Tombouctou. certains étaient morts en route, d’autres étaient nés, s’étaient mariés. Les bêtes aussi étaient mortes, la gorge ouverte pour fertiliser les profondeurs de la terre, ou bien frappées par la peste, et laissées à pourrir sur la terre dure.
Bien, je m’en tiendrai là – je pourrais en mettre des pages!
C’est « curieux » … ce livre, je l’ai découvert au Maroc, grâce à un randonneur.
Un article très complet chez un passionné, des infos sur wiki, mais bon, les médias vont se charger de nous rappeler pas mal de choses !
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9 octobre 2008