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Dans la catégorie « On marche sur la tête » …
Je pourrais vous parler des melons qui poussent ici sur des centaines d’hectares, se font emballer en cagettes direction Rungis et reviennent dans les supermarchés du coin quelques jours plus tard … après 2000 km de transport en camions et une bonne augmentation du prix ….
Ou des légumes (je ne sais plus lesquels) que l’on fait pousser hors-sol du côté de Naples …
Et aussi des haricots verts chinois qui commencent d’envahir nos rayons de surgelés …
Mais ce soir, sur France 5, à 20h30, est diffusé le documentaire de Béatrice Limare, « La rançon de la fraise », qui vient souligner en images les différents articles que Claude-Marie Vadrot a publiés à ce sujet pour Politis depuis 2007, après qu’il ait pris connaissance d’une initiative de WWF d’aller voir de plus près d’où venaient ces fruits sans saveur apparaissant sur les étals de supermarchés dès Janvier.
Vous pouvez lire une version actualisée et en accès libre ici ; ce premier article avait fait le tour du Net à l’époque. Le 6 mai dernier, M. Vadrot a publié un nouvel article passant la bonne nouvelle que la consommation de ces fraises avait chuté d’un tiers face à la méfiance des consommateurs – mais ajoutant au passage que certains producteurs français avaient pris la relève en utilisant les mêmes méthodes et les mêmes produits.
Quelques faits et chiffres pour comprendre ce cauchemar :
* en 2008, c’étaient quelques 90000 tonnes de ces fraises andalouses qui se déversaient en France, à raison de 10 tonnes par camion parcourant 1500 km minimum, rien qu’à l’aller. (= 9000 voyages X rejets de CO2 …)
* alors que le fraisier est une plante vivace pouvant vivre et produire (voire se reproduire, selon les espèces) durant plusieurs années, les plants utilisés dans cette industrie sont détruits en fin de « saison » ; de nouveaux plants sont mis au frigo en plein été afin d’accélerer leur développement, puis installés, à l’automne, sur du plastique noir dans des serres montées sur des terres préalablement nettoyées et stérilisées au bromure de méthyle (définitivement interdit depuis 2005) et à la chloropicrine (autre poison provoquant de graves troubles pulmonaires). Ensuite, les fraisiers sont biberonnés 24 heures sur 24 à l’engrais, aux pesticides et aux fongicides.
* 6000 hectares dédiés à cette seule « culture », aux abords du parc national de Doñana (fabuleuse réserve d’oiseaux migrateurs et nicheurs) ; il semble même que certaines exploitations empiètent illégalement sur ce parc, et par ailleurs, 2000 hectares de forêts ont été rasés à cet effet.
* l’eau provient en partie de forages plus ou moins autorisés, et est prélevée dans des quantités telles que la région est menacée d’assèchement … sans parler de la pollution des eaux souterraines et des sols qui s’accumule peu à peu
* en fin de « saison », environ 5000 tonnes de plastiques sont brûlées sur place, ou enfouies un peu n’importe où, ou simplement laissées aux caprices des vents (l’on sait notamment ce que les dauphins en font … ils les avalent et meurent ensuite de ne plus pouvoir se nourrir …)
Et c’est sans parler de la main d’oeuvre marocaine ou roumaine employée pour un salaire de misère, en échange d’un logement précaire où l’on brûle le plastique pour se réchauffer le soir … et de l’augmentation de nombreuses maladies respiratoires / de peau.
Devant la catastrophe écologique qui semble menacer, la médiatisation de plus en plus gênante, la chute de la consommation, l’avenir est déjà là : délocalisation au Maroc, avec des méthodes à peu près similaires … avant de commander des fraises chinoises …
Certes, ces articles de presse et ce documentaire pointent du doigt l’Espagne. Ce qui permet d’ouvrir les yeux à des citoyens de plus en plus nombreux à ne plus vouloir consommer de cette saloperie, qu’a même pas le goût à la fraise.
Le problème, grandissant, et décourageant parfois, c’est que cette même manière de marcher sur la tête touche des régions françaises (la garriguette périgourdine en provenance de Vergt (24) semble avoir également poussé dans des terres nettoyées au bromure de méthyle, par exemple …), d’autres régions d’Europe et du monde … et à peu près tout ce qu’on mange….
Ouais … ça devient carrément fatigant de se poser des questions à chaque achat.
Et je pense à l’une de ces remarques de Pierre Rahbi, piochée dans la vidéo que Fée des Agrumes avait postée :
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Bientôt, on ne se souhaitera plus « bon appétit!« , mais « bon courage!«
ou « Bonne chance!! »
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26 mai 2009