tout commence toujours par un rêve

Il reposa le téléphone … Les larmes emplirent ses yeux… Il n’y avait plus d’espoir.

Un énorme coup de poing dans le ventre, une main qui serre son cœur, lancinante douleur ; c’est donc ainsi… Les hommes s’étaient précipités dans une impasse, ne pensant qu’à leurs plaisirs, qu’aux terrifiants soleils de bonheurs artificiels. Ils avaient oublié comment et pourquoi il leur était donné de vivre, comment et pourquoi ils n’étaient pas les seuls êtres vivants de la planète, comment et pourquoi faire demi-tour.

Son regard voilé tomba sur la feuille refaite au propre la veille ; son premier dessin pour le webmag C’était Demain, à paraître en illustration de l’état des lieux officiel de la faune et de la flore en 2025. D’abord annuel, ce bilan paraissait désormais chaque trimestre, s’amoindrissant en contenu, se chargeant proportionnellement de rancœur et d’amertume.

Il avait choisi d’être optimiste, moins cynique qu’à l’accoutumée, ce qui lui avait procuré un étrange soulagement. Croquer des zèbres, un crocodile, quelques marmottes, des araignées et des souris, deux éléphants face à trois lionnes, un kangourou et un perroquet, et même une licorne bleue … tous gambadant ou voletant au bord de rivières paisibles, de lacs bleus, d’océans déchaînés, assoiffés, affamés, chassant ou ruminant, filant dans les hautes herbes qui avaient envahi Grenoble, ou piaillant devant un terrier … c’était comme leur redonner vie, leur rendre leur place, leur raison d’être, ailleurs qu’en ce sinistre  Centre de Recherches sur l’ADN.

Mais voilà… Pouf le dernier éléphant venait de rendre son dernier souffle au terme d’une lente agonie. Ce qui l’avait grignoté lentement s’attaquait depuis peu à Tom et Jerry, le précieux couple de souris destiné à relancer une authentique lignée de murinés. Quant à Scully, la renarde échappée du CRADN deux jours plus tôt, les spécialistes lui donnaient encore 24 heures avant de succomber à l’extérieur empoisonné.

Si seulement nous avions pensé à faire une arche de Noé… Si nous avions tous donné un peu de temps et de réflexion… Si à l’aube du XXIè siècle, nos tout-puissants avaient fixé une charte, donné l’exemple… Si nous avions eu un Messie ! Peut-être…


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Maël ouvrit soudain les yeux au chant joyeux des oiseaux. Les oiseaux de son réveil. 10 mai 2006. 6.40 a.m. 14°C.
Le rideau orangé ondoyant contre la fenêtre entr’ouverte.

Hélène ouvrit les yeux. Il lui raconta son rêve.

« Toi, dessinateur ? C’est très drôle !! Remarque… au labo, d’une certaine manière… tu dessines nos lendemains, oui… »

Elle se souleva maladroitement, alourdie par ce ventre devenu bien rond, pour lui poser un doux baiser sur le nez en murmurant : « Mon Messie adoré, veux-tu bien m’apporter un thé ? »

Dans la cuisine, le rêve tournoyait, s’agitait en pulsations vivaces puis assourdies, se mélangeait à des équations chimiques, un fugace coquelicot dans un désert de terre sèche, les jappements d’un chiot, WWF, le visage d’Al Gore à la conférence sur le climat à Paris, quelques mots d’une conversation avec Arthur Lhéraud, le principal donateur du laboratoire de biologie où travaillait Maël.
Avant de porter son thé à Hélène, il décrocha le téléphone… Un sourire montait à ses lèvres… Il y avait encore de l’espoir.
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3-6 juillet 2008

Consigne 39 : Début + mots imposés « il/elle reposa le téléphone…Les larmes emplirent ses yeux…Il n’y avait plus d’espoir » +

soleil  /  main  /  regard  /  feuille  /  rideau  /  océan  /  demain  /  oublier  /  rancœur  /  soulagement  /  impasse  /  bonheur  /  lancinant  /  pourquoi  /  poing

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6 juillet 2008

demain dès l’aube

pour « Papier Libre »
commencer son texte par le célèbre vers de Victor Hugo

« Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne
Je partirai…………………………………….…………………………… »

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Vivre en chemin


Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne

Je partirai gravir les plus hautes montagnes ;

Il ne s’agit du Mont-Blanc, ni des Rocheuses

Mais de ces rêves jetés au bord d’une route creuse.

Demain, dès l’aube, j’aurai brûlé mes oripeaux

Les habits noirs de la paresse, mes gros sabots,

Le grand fauteuil où j’ai bercé mes illusions

Tous les miroirs qui tiennent en laisse mes décisions

Demain, dès l’aube, oui je serai partie enfin,

Mue par le vent à la conquête de mon chemin

Pour renouer avec Gaïa les fils défaits

D’une amitié qui fut pour moi la Vérité

Demain, dès l’aube, je vais enfin abandonner

Petits mensonges, songes qui me rongent, préfabriqués

Soirées télé, nuits abruties, velléités

Me confronter à mes révoltes étouffées

Demain dès l’aube… hélas, le réveil a sonné

Le chant du coq vient de briser mon étoilée

Le jour cruel jette ses lueurs dans le bureau

Où le cartable a terrassé mon sac à dos.

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5-6 juillet 2008

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6 juillet 2008