le vent de camargue

Entre panne, récré, et surtout la météo, je me permets de re-publier un texte que je sors des fonds du blog; je ne sais pas transférer les commentaires … il y en avait un … de Jean-Jacques, qui disait qu’à ce jour, c’était son préféré

Il a fait beaucoup de vent aujourd’hui, et ce « vent de Camargue » a tant soufflé à l’hiver 2005 qu’il m’avait inspiré ce texte auquel je suis, effectivement, attachée. C’est d’ailleurs le dernier texte écrit avant que je reprenne la plume ces derniers mois

C’est un long souffle qui, sèchement bouscule les prés et les marais, déshabille les arbres déjà nus, le ciel et les toits pour habiller les haies et les buissons de branches mortes, de mouchoirs oubliés, de vêtements perdus et de sacs abandonnés. Il vide les plages, les places de marché, les petits parcs et les sentiers. Comme le roseau jamais ne rompt, les routes et les chemins ont toujours leur haie d’honneur qui, pour peu que l’on voyage à l’heure où le soleil descend sur nos paupières, scintille de feux de neige à travers les plumeaux blanchis de l’herbe élégante ; des dizaines de petites lanternes sans combustible penchées au-dessus des fossés fous, caresses pures.

C’est un vent qui refroidit l’intérieur des maisons, pousse les souris, les renards, les ragondins, les chats et les chiens errants dans d’invisibles tanières toutes chaudes, chasse les flamands roses jusqu’en Afrique, cache les taureaux et les chevaux dans la paille tiède de leurs abris de bois et de pierre, bouscule même les oiseaux dont quelques petits encore peu aguerris se fracassent dans les bras furieux des arbres.

C’est un tourbillon impatient qui découpe les mains, avive les angles et les arêtes. Il fige les visages, emmêle méchamment et sans élégance les cheveux libres des femmes. Il soulève avec malice les jupes, les manteaux, la queue des chiens qui se retournent la gueule ouverte, prêts à croquer cet agresseur qu’ils n’ont pas senti venir. A ses grondements sourds ou ses sifflements mutins se mêlent les grognements des bêtes encore à découvert, les respirations saccadées de ceux qui luttent pour atteindre leur immobile maison, les cris de surprise quand s’envolent une soie, une laine, la lettre d’un amoureux.

C’est la respiration d’un ciel nouveau-né qui s’amuse à colorier le paysage en y lançant tout ce qu’elle a débusqué derrière les murets, sous les toits, dans les jardins, aux abords des marchés, au pied des arbres, dans les vergers et les vignobles. Elle vole tous les parfums des villes et des champs, et vide les hommes de toute chaleur le temps d’un souffle. Elle fatigue le vivant de sa puissance magnifique, invisible divinité soufflant sa colère de face ou en traîtresse.

Au creux de la nuit, à l’heure des hiboux, je l’entends avaler l’horizon plat et sans obstacles. Le vent de Camargue ; il a faim et il dévore à grand bruit tout ce qui pourrait devenir rosée ou nuage, m’offrant alors ce spectacle, depuis mon lit, des cimes des grands sapins du mas s’agitant nerveusement dans la lueur vive et froide de la pleine lune, m’invitant à rêver une neige tombant des étoiles, un manteau de glace protégeant ce qui ne jamais naquit, un silence de verre.

Alors, dans nos rêves de femmes, nous sommes fées habillées de lune et de neige, arquées sur une falaise les bras ouverts au monde, nous disons le nom de ce qui doit partir ; perchées au sommet d’un arbre noir nous écoutons la poésie de nos longs cheveux qui dansent ; nous entendons la révolte, nous devinons les racines, nous scandons la chanson de ce qui est encore à venir. Nous goûtons ce qu’il nous reste, l’essentiel, la résistance de nos muscles, la force de notre cœur ; nous inventons des mots d’amour, des solutions, des poèmes, des rêves d’univers, que nous chuchotons au vent, qu’il les délivre auprès de nos sœurs, auprès de nos frères !

Aux enfants du Vent.

3 février 2005

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13 septembre 2008


pensée filée dans un escalierre

Juste un fil de pensées aujourd’hui … en images

Cette porte, à Barcelone, qui m’a paru si familière …

Ah oui … c’est ainsi que je « bâtis » mes dessins tout tordus

Je pose le stylo sur la feuille et je commence à tracer des lignes, souvent souples et amples, puis je pars pour un long chemin sur le papier, l’idée étant de rejoindre le point de départ en faisant pleins de détours, d’allers et retours, des bulles et des épines

Quand j’ai bouclé la boucle, j’emplis d’encre et le dessin apparaît vraiment

Des fois, il y a de véritables surprises, comme l’avatar de ce blog, mon escargot inattendu

Des fois, je « travaille » davantage le dessin, comme ici

Un arbre

Une porte

Et … voici l’escalierre qui mène de l’un à l’autre!

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12 septembre 2008