anna (suite)

Je m’appelle Anna et désormais je suis seule. Je l’ai choisi. Enfin, je ne suis pas vraiment seule. Je ne me suis pas retirée du monde, mais je suis partie, ailleurs. Je suis seule de ma famille, seule de mes amis, seule de ma terre de naissance, ici et maintenant. J’ai quitté tout ce que je pouvais quitter, sauf mon nom, et ce que j’ai appris. C’est le plus difficile. Lorsque je suis arrivée ici, j’ai rencontré un homme grand, vieux et solide sur le chemin. La poussière collait à nos visages en sueur, cachait la couleur de notre peau, mais j’ai vu ses yeux noirs, ronds comme des billes de plomb. Je lui ai souri et il m’a demandé mon nom. Anna. J’ai senti le mot gonfler dans ma tête et presque aussitôt dans ma gorge. J’ai senti mon ventre se durcir et ma langue se nouer pour donner mon nom, et je l’ai dit. Mais ce fut comme donner mon âme à cet homme que je ne connaissais pas. Et j’ai eu peur. J’ai eu envie de pleurer, aussi.
J’attendais qu’il me dise son nom avant de reprendre ma route. Je ne voulais plus m’arrêter dans ce village. mais il m’a demandé « Qui es-tu?« . J’ai cherché des mots, vite, qui diraient, vite, que je n’en savais rien, que ce n’était pas important, que je ne voulais plus le savoir, que justement… « Moi je suis le facteur, Etienne, et j’ai des musiques douces dans la tête, des guitares, surtout, et du piano…« . Du piano. J’ai murmuré. Ses mots ont coulé dans ma gorge. J’ai eu très soif d’eau fraîche et il m’a tendu une gourde. J’ai bu mais tout mon corps avait soif. Ma peau, surtout. Alors il m’a indiqué le chemin de la rivière et je suis allée m’y baigner. C’était merveilleux, et j’aurais voulu m’y endormir. La nuit venait, frissonnante, et j’ai couru jusqu’au village. Je suis tombée, une fois, et l’écorchure au genou m’a presque fait rire de bonheur. J’ai ri encore un peu lorsque le visage, jeune, de ma mère, s’est formé devant moi. Elle souriait, elle disait que ce n’était rien, elle ferait un baiser et je n’aurais plus mal. Je souriais aussi. J’ai chassé l’image d’un geste, mais je n’ai pas pu empêcher ma bouche de dire son nom.

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6 août 2008

Un commentaire

  1. commentaires rapatriés
    Posté le 28 février 2010 à 15 h 20 min | Permalink

    1) Un petit bonjour en passant sur tes pages
    Commentaire n°1 posté par beranger le 06/08/2008 à 10h30

    => Un petit salut en retour
    Réponse de mariev le 07/08/2008 à 08h43

    2) Alors? de retour de Barcelone?
    Commentaire n°2 posté par Coq le 07/08/2008 à 14h37

    => Vi vi, je vous raconterai ça mieux quand j’aurai quelques photos… 😉
    Réponse de mariev le 08/08/2008 à 08h34

    3) De l’autre côté de la surface… explorer ces détours sinueux, faire des rencontres surprenante… Et cette soif qui ne peut plus s’étancher, plus vraiment…
    Commentaire n°3 posté par Jim le 13/08/2008 à 13h30

    => Et ces rappels impétueux de notre enfance (l’écorchure au genou)
    Parler de soif mal étanchée venant de Jim Dante, hi, hi!
    Réponse de mariev le 13/08/2008 à 20h22

    répondre

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