Edit du 16 / 08 / 08 : j’ai tenté une correction sur les strophes traitant du père et de la mère, pour éclaircir le propos. Ceux qui ont été tout confusionnés par la première version pourraient-ils me dire si c’est mieux? Ceux qui lisent cette deuxième version sont-ils perdus?
Espagne – 18 juillet 2001
Mon père – Ma mère – Mon frère – Ma sœur.
Quatre étoiles. La constellation de mes rêves, de mes souffrances, de mes rires. Le dessin changeant de mon passé, de mon présent, de tous mes temps. Mes quatre points cardinaux, chacun investissant tour à tour la puissance magnétique du Nord de mes pensées et de mes interrogations, de mes incertitudes et de mes reproches. Quatre astres obscurs bordant un trou noir, celui que je cherche en palpant mon corps, en sondant ma mémoire, de minute en minute, depuis des années. Les quatre pieds de la chaise sur laquelle je suis assise, du lit sur lequel je me repose.
Mon père … Ma mère – Mon frère – Ma sœur.
En lui les galopades d’enfant dans les rues marocaines, les écoles militaires et à dix-huit ans, une question aussi soudaine que la mort : « Père, qui étais-tu ? Qu’as-tu fait de moi ? »
Ma mère … Mon père – Ma sœur – Mon frère.
En elle, beauté, louanges, solitude en Provence et à dix-huit ans, une question aussi douloureuse que la mort : « Papa chéri, qui étais-tu ? Qu’as-tu fait de moi ? »
Mon frère … Ma sœur – Mon père – Ma mère.
Le soleil de Provence, le crachin breton, les sables normands.
L’âge adulte et ses violences dans la banlieue parisienne.
Ma sœur … Mon frère – Ma mère – Mon père.
Le silence d’une épilepsie particulière si mal soignée.
La violence, les éclats de rire, la musique et les câlins.
Et tous ces aïeux fuyant leur monde en le portant en Afrique et en Indochine.
Cette grand-mère à peine consciente d’avoir un jour enfanté.
Cette autre grand-mère, si bonne, si douce, qui n’apprit le français que tardivement, lorsque l’Allemagne rendit l’Alsace et la Lorraine à la France.
Ces ancêtres venus d’Inde et d’Afrique, dont on ne connaît que le nom qui leur fut donné par ces autres ancêtres venus de France.
Mon père – Ma mère – Mon frère – Ma sœur.
Mes quatre étoiles, mes êtres chers, ma chair.
Mes yeux. Ma bouche. Mon nez. Mon menton.
Mon réalisme. Mon romantisme. Mon je-m’en-foutisme. Mon autisme.
Mon carré d’as. Mon apocalypse.
Mon. Ma. Mes.
Moi.
Moi ?
Moi !
Qu’avez-vous fait de moi ?
Qu’allez-vous faire de moi ?
.
*
15 août 2008
Un commentaire
1) Très réaliste, hélas. Bonne soirée.
Commentaire n°1 posté par Marcovaldo le 15/08/2008 à 18h44
=> Hélas, c’est surtout quand on en a terriblement souffert; mais même sans souffrance, « l’aliénation familiale », c’est un drôle de truc à gérer, à décoller de sa peau … tiens, je pense à ta photo de la mue de cigale (je savais qu’elle me ferait parler, cette photo!!)
Réponse de mariev le 15/08/2008 à 20h55
2) Très émouvant, c’est vrai… Mais, pour rester dans le registre réaliste, la strophe commençant par « Ma mère,… » ne devrait-elle pas se terminer par « Maman chérie, qui étais-tu… » ? Sinon, c’est comme pour Quimper, c’est le père qui encaisse toutes les responsabilités…Le pôv !
Commentaire n°2 posté par Marc-Aurèle le 15/08/2008 à 19h47
=> Non, non, pas du tout! Bon, ça veut dire qu’il me faut le retravailler encore…
Les pères évoqués dans les deux cas sont morts : le père du père, et le père de la mère, c’est à dire que le père et la mère de mon personnage ont tous deux perdu leur père (et au même âge, tiens d’ailleurs…)
humpf
Réponse de mariev le 15/08/2008 à 20h58
3) Ooooh j’avais pas compris! Je croyais que c’était le père de ton personnage qui était mort quand ton personnage avait 18 ans, et que tu en parlais dans 2 strophes…
Commentaire n°3 posté par Coq le 16/08/2008 à 10h07
=> Bon, ben c’est bien de me le dire, il faut donc vraiment que j’y remédie… en faisant des coupes, on laisse des trous
Belle journée à toi!
Réponse de mariev le 16/08/2008 à 10h38
4) Pourtant, le trou noir, ça me parle… mais là, quel hommage, mais que de regrets aussi. Lorsque je lis ce texte, je pense à ça : La petite fille : papa a toujours raison L’adolescente : papa a parfois tort La jeune-fille : papa se trompe toujours La vieille femme : si papa était encore là, lui qui avait toujours raison. C’est beau hein ?
Commentaire n°4 posté par Béranger le 16/08/2008 à 11h05
=> Un hommage, oui, tout à fait, et des regrets, sans doute (ce « paradis perdu »)
Par contre, je ne me reconnais pas tout à fait dans la relation papa-fille que tu décris, ce qui me donne à réfléchir
Dis-moi, du trou noir au trou blanc, on appelle pas ça un trou de ver? (très très vieille réminescence d’une lecture ardue)
A bientôt
Réponse de mariev le 16/08/2008 à 19h13
5) Quelle coïncidence, je lis « Autobiographie de la faim » et je suis à la partie où elle parle de sa famille !!!
Commentaire n°5 posté par joye le 16/08/2008 à 14h40
=> Une fois de plus, tu me coinces dans un angle … l’angle mort de la paresse … je connais ce titre, mais je ne sais plus rien le concernant
Et?
Belle journée en Iowa à toi, Joye!
Réponse de mariev le 16/08/2008 à 19h20
6) Et…bah, vous êtes toutes deux francophones et intelligentes, mais c’est peut-être là que le parallèle s’arrête. Elle est un peu enfant terrible, la Nothomb. Je vais écrire un truc sur toutes les oeuvres que j’ai lues cet été — this has been my Nothomb Summer — et je te l’enverrai quand j’aurai terminé. À+ Bonjour à la Camargue (j’ai bon, là ?).
Commentaire n°6 posté par joye le 16/08/2008 à 20h09
=> Nothomb … elle me fascine cette fille, mais je n’ai pas lu grand chose; par contre, j’ai bien aimé le film « Stupeur et tremblements » (et j’aime beaucoup l’actrice Sylvie Testud)
En échange du chocolat de chez Hershey’s, je te propose quelques douceurs locales qui supporteront le voyage en avion (mais … passeront-elles la douane américaine? good question)
Ben oui, t’as bon, pourquoi t’aurais pas bon, y’a calembour sous roche, là?
Réponse de mariev le 16/08/2008 à 21h50
7) Oui j’ai l’impression que c’est davantage compréhensible les strophes comme ça!
Commentaire n°7 posté par Coq le 17/08/2008 à 10h31
Ah, merci à vous pour vos remarques constructives, vraiment!
Mais je crois que c’est encore à parfaire, ce machin
Réponse de mariev le 17/08/2008 à 11h34
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