LA ROUTE
De Cormac McCarthy, ©2006
Editions de l’Olivier, ©2008
Traduction : François Hirsch
La quatrième de couverture :
L’apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres. Un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d’objets hétéroclites et de vieilles couvertures. Ils sont sur leurs gardes car le danger peut surgir à tout moment. Ils affrontent la pluie, le froid, la neige. Et ce qui reste d’une humanité retournée à la barbarie.
Prix Pulitzer 2007.
Une critique :
« Héritier de la Bible et de Shakespeare, de Hawthorne et de Faulkner, archaïque, lyrique et visionnaire, sensible à la beauté du monde, McCarthy est hanté par la violence des hommes et la question du Mal. »
Nathalie Crom, Télérama
Pourquoi j’en parle.
Biberonnée à la science-fiction et au fantastique, j’aime les récits post-apocalyptiques tentant de décrire la survie de l’humanité.
J’aime lire des récits où tout est à recommencer, à ré-inventer …
Utopie, oui
L’écriture de Cormac McCarthy est terriblement dépouillée, tranchante. C’est un régal pour peu que l’on ne soit pas perturbé par le(s) thème(s) évoqué(s) – une de mes amies n’a pas réussi à le lire jusqu’au bout.
L’espace d’un court instant, on peut déplorer l’absence d’explications détaillées ou satisfaisantes de ce qui a mis le feu aux poudres, de ces incendies continuels des années après, de la disparition des animaux – mais pas celle de l’homme.
Or, Cormac McCarthy se livre ici à un exercice littéraire qui ne nécessite pas ces mises en scène explicatives : il reprend et retourne le mythe américain de la route (cette fois-ci vers le Sud) et se concentre surtout sur la manière dont son écriture (la forme) peut épouser et porter ce qu’il reste de l’Homme (le fond). De ce point de vue, c’est une réussite à mes yeux.
Et ce n’est pas optimiste du tout, c’est certain.
Je pense qu’il voit assez juste dans la nature humaine, bien que d’autres exemples, réels ceux-là mais à une échelle plus petite, montrent que l’Humain n’est pas mauvais non plus (solidarité spontanée lors de catastrophes naturelles).
Disons qu’il s’est posé la question de l’existence réelle de cette solidarité dans un contexte où le nombre de morts est si faramineux qu’aucun groupe ne peut tenter de constituer un semblant de « gouvernement », où les moyens de subsistance ont quasiment disparu (végétation grillée, séchée, cendrée ; animaux morts ; eau contaminée) et où les moyens de communication ne sont plus.
Alors … l’Homme peut se montrer … le mammifère carnivore et prédateur qu’il fut voilà fort longtemps (et encore, à cette époque, il cueillait des herbes, des baies, des céréales… !).
Extraits :
* Le petit était allongé, la tête sur les genoux de l’homme. Au bout d’un moment il dit : Ces gens ils vont les tuer, hein ?
Oui.
Pourquoi il faut qu’ils fassent ça ?
J’en sais rien.
Et ils vont les manger ?
J’en sais rien.
Ils vont les manger, hein ?
Oui.
Et on ne pouvait pas les aider parce qu’ils nous auraient mangés aussi ?
Oui.
Et c’est pour ça qu’on ne pouvait pas les aider ?
Oui.
D’accord.
– – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – –
* Il avait un jeu de cartes qu’il avait trouvé dans une maison au fond d’un tiroir et les cartes étaient usées et en accordéon et il manquait le deux de pique mais ils jouaient quand même de temps à autre à la lueur du feu, enveloppés dans leurs couvertures. Il essayait de se rappeler les règles des jeux de son enfance. La crapette. Une variante de whist. Il était certain de se tromper la plupart du temps et il imaginait de nouveaux jeux et leur donnait des noms de son invention. La Fausse-Fétuque ou le Chat-Huant. L’enfant lui posait parfois des questions sur le monde qui pour lui n’était même pas un souvenir. Il avait du mal à trouver une réponse. Il n’y a pas de passé. Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? Mais il avait renoncé à lui dire des choses de son invention parce que ces choses-là n’étaient pas vraies non plus et ça le mettait mal à l’aise de les dire. L’enfant avait ses propres illusions.
Comment est-ce que ça serait au sud ? Y’aurait-il d’autres enfants ? Il tentait d’y mettre un frein mais son cœur n’y était pas. Qui aurait eu le cœur à ça ?
Aucune liste de choses à faire. Chaque jour en lui-même providentiel. Chaque heure. Il n’y a pas de plus tard. Plus tard c’est maintenant.
Toutes les choses de grâce et de beauté qui sont chères à notre cœur ont une origine commune dans la douleur . Prennent naissance dans le chagrin et les cendres. Bon, chuchotait-il au petit garçon endormi.
Je t’ai toi.
*
4 septembre 2008
Un commentaire
1) Ce que tu dis du livre me donne à la fois envie de le lire et m’en dissuade en même temps Peut-être trop noir, pour moi qui aime le noir ;-)) Cela dit, prix Pullitzer… ça fait une paye que je n’ai pas lu de livre intelligent, ça serait peut-être l’occase 😉
Commentaire n°1 posté par pandora le 04/09/2008 à 20h48
=> Je l’ai lu en une après-midi, et j’ai trouvé le texte et le « concept » splendides…
Réponse de mariev le 04/09/2008 à 21h54
2) A peine le temps de passer déposer des bisous sincères, alors lire !!! Pour l’instant stand by littérature, la seule chose que je lis c’est ma liste de courses et mon courrier, pfffffffff….. Mariev, tu vois moi non plus en ce moment j’y arrive pas !!! Bisous, bisous, bisous……:)
Commentaire n°2 posté par Charlie le 05/09/2008 à 01h46
=> Ah mais TOI tu lis ton courrier! C’est bien! Eh bien, bon courage, Charlie, à bientôt
Réponse de mariev le 05/09/2008 à 07h11
3) Encore un livre à ajouter à ma liste.. J’ai déjà tellement à lire, il y a de quoi faire une table à quatre pieds avec tout ce qui m’attend.. Ma curiosité me déborde et me perd :p La lecture de cet article me ramène a Ravage de Barjavel qui m’a marquée. Lu en classe, je l’avais détesté et relu bien des années après, il m’a semblé très riche sur notre espèce et son devenir.. Les histoires d’anticipation sont déroutantes… ( Soleil vert, Bienvenue à Gattaca, Norway of life au cinéma par exemple) Parmi mes livres en attente, j’ai un Homo disparitus ou l’histoire du monde une fois l’homme disparu ( et différentes théories selon les raisons de sa disparition ) Je n’ai pas fini d’y songer… Pauvre de moi ;p
Commentaire n°3 posté par fée des agrumes le 05/09/2008 à 10h15
=> C’est pareil, je croule sous les livres en attente … et les listes de ceux à lire! Je retiens donc le Homo disparitus (je crois que j’en avais déjà entendu parler)
Allez, on respire!
Réponse de mariev le 05/09/2008 à 16h46
4) Je l’ai lu tout récemment, et j’ai beaucoup aimé.
Commentaire n°4 posté par Godnat le 05/09/2008 à 15h12
=> Pour les raisons évoquées ici?
Belle soirée à toi!
Réponse de mariev le 05/09/2008 à 16h48
5) C’est très pur, et j’y ai surtout vu une formidable histoire d’amour paternel, le reste ne m’étonnant pas plus que ça de la nature humaine… mammifère carnivore étant un euphémisme pour décrire le cannibalisme !
Commentaire n°5 posté par Godnat le 05/09/2008 à 20h11
=> Oui, j’ai omis de parler de ce fil conducteur-là et tu as raison de le mentionner : un père et son fils, McCarthy est formidable de justesse dans ses descriptions à ce niveau!
Merci à toi Godnat!
Réponse de mariev le 05/09/2008 à 21h52
6) J’vais finir par le lire
Commentaire n°6 posté par Béranger le 06/09/2008 à 08h52
=> Ah ben oui, si ça fait plusieurs fois qu’on te dit que c’est bien
Réponse de mariev le 06/09/2008 à 19h04
répondre