femmes et loups

Voici le premier texte que j’ai publié sur le blog, cette fois-ci mis en valeur par de magnifiques photos tirées du livre de Jim Brandenburg : « Avec les Loups » (éditions Nathan; 2000)

Cette nuit, le loup m’a rendu visite.

Il m’a dit :
« Aime-les, protège-les, mais mange-les s’il le faut. Couche-toi, tapis-toi et écoute. Lève-toi et chasse. Lèche leurs larmes mais arrache-leur la bouche s’il le faut.

Retiens ton souffle et perce la nuit. Hurle tes peines et tes rires au vent, toujours.

Creuse sans relâche et fais-toi un abri chaud et sûr. N’oublie quand même pas de courir dans la neige, dans les près, juste pour bouger, et parce qu’il est bon de se croire parfois sans ennemis.

Mais tranche-leur la gorge s’il le faut. »

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Il s’est approché de moi, encore :
« Viens, caresse-moi. Aime-moi sans mesure, sans réserve. Mais n’hésite pas à me tuer s’il le faut. »

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20 Avril 2001

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J’ai écrit ce texte environ trois ans avant de découvrir Clarissa Pinkola Estes et son livre « Femmes qui courent avec les loups  –  Histoires et mythes de l’archétype de la Femme Sauvage »  (1992, 1995, Editions Grasset & Fasquelle 1996; Le Livre de Poche n°14785).
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Je souhaite vous livrer ici quelques extraits des 8 premières pages de l’introduction (qui en compte 27!)
Cette seule introduction m’a bouleversée, et m’a permis de comprendre ce texte rétrospectivement (car j’avoue que je tenais farouchement à chacun de ses mots, sans trop savoir pourquoi). D’aucuns m’ont demandé, goguenards ou perplexes, « Mais, c’est qui le loup? ». Une explication freudienne et populaire bien connue ne me convenait pas spécialement. Je savais que ça n’était pas de ce registre.
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Extraits

Le titre de cet ouvrage Femmes qui courent avec les loups, histoires et mythes de l’archétype de la Femme Sauvage, est né de mon étude de la biologie animale, en particulier des loups. Ce qu’on sait des loups Canis Lupus et Canis Rufus présente en effet des similitudes avec l’histoire des femmes, tant sur le plan de l’ardeur que du labeur.

Les loups sains et les femmes saines ont certaines caractéristiques psychiques communes : des sens aiguisés, un esprit ludique et une aptitude extrême au dévouement. Relationnels par nature, ils manifestent force, endurance et curiosité. Ils sont profondément intuitifs, très attachés à leur compagne ou compagnon, leurs petits, leur bande. Ils savent s’adapter à des conditions perpétuellement changeantes. Leur courage et leur vaillance sont remarquables.

Pourtant les uns et les autres ont été chassés, harcelés.

[….]

C’est donc pendant que j’étudiais les loups que le concept de l’archétype de la Femme Sauvage a pris forme pour la première fois dans mon esprit. J’ai également étudié d’autres animaux, les ours, les éléphants et les âmes-oiseaux  –  les papillons. Et les caractéristiques de chaque espèce éclairent de manière métaphorique la psyché intellectuelle féminine.

J’ai reçu par deux fois la Nature Sauvage en héritage. […] J’ai grandi près de la frontière entre Michigan et Indiana, entourée de bois, de vergers et de champs, et à proximité des Grands Lacs. Là, mon esprit a été nourri de tonnerre et d’éclairs. Toute la nuit, les champs de maïs craquaient et parlaient à voix haute. Plus haut vers le nord, les loups venaient caracoler et prier dans les clairières au clair de lune. Nous pouvions tous, sans crainte, nous abreuver aux mêmes ruisseaux.

[…]

J’ai eu beaucoup de chance de grandir dans la Nature. Là, la foudre, en tombant, m’apprenait la brutalité de la mort et la fugacité de la vie. Les nids de souris montraient qu’une nouvelle vie venait adoucir la mort. Quand je déterrais dans la glaise des « perles indiennes », des fossiles, je comprenais que longtemps, très longtemps auparavant, des êtres humains s’étaient trouvés là. J’ai découvert l’art sacré de la parure du corps avec des papillons monarques posés sur ma tête, des vers luisants en guise de bijoux nocturnes et des grenouilles vert émeraude pour bracelets.

Une louve tua l’un de ses petits mortellement blessé ; ce fut une dure leçon sur la compassion, sur la nécessité de permettre aux agonisants de mourir.

[…]

Quelles que soient ses influences culturelles, toute femme comprend intuitivement les mots femme et sauvage.

Quand les femmes entendent ces mots, un vieux, très vieux souvenir s’éveille, la mémoire de leur parenté absolue, indiscutable et irrévocable avec la féminité sauvage. Ce lien peut s’être distendu du fait de notre négligence ou avoir été mis hors la loi par la culture environnante. Il a pu avoir été domestiqué à l’excès ou bien encore nous avons cessé de le comprendre. […] Lorsque, parfois, nous en faisons l’expérience, même fugitivement, nous mourons d’envie de continuer.

[…]

Et quand nous découvrons sa trace, nous redoublons d’efforts pour nous rattraper, pour remettre tout au propre, nos amours comme notre esprit, pour tourner la page, rompre les ponts, enfreindre les règles, arrêter la planète. Car nous n’avons pas l’intention de continuer sans elle.

[Les femmes sauvages] savent instinctivement quand les choses doivent vivre et quand elles doivent mourir. Elles savent partir, elles savent rester.

*

12 juillet 2008

Un commentaire

  1. commentaires rapatriés
    Posté le 27 février 2010 à 23 h 55 min | Permalink

    1) C’est drôle, quand j’étais petite le loup était mon animal préféré… J’aimais sa beauté, sa sauvagerie et son dévouement pour sa meute. J’aimais son chant, et quand je l’entendais des frissons me parcouraient l’échine, j’avais envie de hurler aussi… Je ne sais pas pourquoi j’ai mis ça au passé, parce que encore maintenant j’adore les loups… Peut-être que c’est parce que lorsque l’on est enfant on est plus proche de la nature, on réfléchit moins et on ressent plus… Bon sur ces belles paroles, je vais me coucher, je vais être crevée demain (ça c’est « l’adulte » qui parle…)
    Commentaire n°1 posté par Coq le 13/07/2008 à 01h42

    => Le loup est mon animal totem depuis très longtemps, et en dépit du « Petit Chaperon Rouge »!
    Oui, l’enfant est bien plus naturel et instinctif. Reste à l’adulte, à la femme, de retrouver sa Femme Sauvage
    Fais de beaux rêves emplis de loups!
    Réponse de mariev le 13/07/2008 à 08h23

    2) J’ai pas mal entendu parler de ce bouquin mais je n’ai jamais pris le temps de m’y plonger… Celles qui l’ont lu en ont été très émues en général et ont appris beaucoup sur elles mêmes, s’y sont retrouvées. Tu me redonnes envie de le lire
    Commentaire n°2 posté par pandora le 14/07/2008 à 19h41

    => Alors j’ai « accompli ma mission », moi aussi, du coup, j’ai envie de retourner le feuilleter
    Belle soirée!
    Réponse de mariev le 14/07/2008 à 22h50

    3) J’aime croire qu’il y a une louve en chacune de nous, une louve qui défend ses petits (et son territoire comme moi l’autre nuit 😉 qui mord pour préserver sa liberté, fidèle et sauvage en même temps. J’aime bien le rythme presque menaçant que donne la répétition : « mais… s’il le faut »… Superbes, superbes photos.
    Commentaire n°3 posté par thaddee le 15/08/2008 à 13h41

    => J’ai un peu de mal à parler de ce texte, sinon pour dire que je l’aime profondément, et que j’ai été ravie quand j’ai trouvé les photos!
    Réponse de mariev le 15/08/2008 à 20h50

    4) Hier soir , j’étais en train de lire , comme une assoiffée …et puis , j’ai été dérangée ( les fistons )……
    Passionnant ..je ne savais pas etre une louve ….un animal instinctif et intuitif , oui , mais , lequel ???
    Certes , je tuerais , si nécessaire ….et il m’est arrivé de tuer ….presque …ou , du moins , d’enfoncer profondément mes canines dans certaines gorges , jusqu’à sentir le gout du sang ….y compris de mes chiots ….
    Fabuleuses images …
    Commentaire n°4 posté par chris le 23/02/2009 à 12h18

    => En fait, si l’on suit Clarissa Pinkola Estes, tu es (nous sommes) une Femme Sauvage (qui court avec les loups), voilà l’animal instinctif et intuitif qui remue en toi depuis toujours …
    A un moment, j’ai perdu ma Femme Sauvage, je n’ai pas su « tuer » quand il fallait, pour des tas de raisons (sociales? culturelles? la peur?) … et je sais désormais que je n’ai plus le droit de la laisser s’éloigner comme ça … j’ai doucement renoué avec elle … et quel bonheur!! 😉
    Réponse de mariev le 23/02/2009 à 19h05

    5) Quoique l’ours soit symboliquement représenté comme un voleur de femmes, je préfère vous laisser Chris et toi à votre état de femmes sauvages et puis Kodiak me manque.
    Commentaire n°5 posté par morsli le 25/10/2009 à 14h27

    => Nounours … ce sont des images, réalistes, c’est vrai (l’histoire de la louve qui abrège les souffrances de son petit …) …
    Je te sens comme hermétique …
    Kodiak … j’ai loupé un épisode ; je sais que c’est une espèce d’ursidés, mais elle n’est pas éteinte (contrairement à celle que représentait Canelle, dont la disparition m’étouffe toujours de colère et me désole profondément)
    Réponse de mariev le 26/10/2009 à 11h31

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