le monde de loreleï

publié dans Écriture Ludique
consigne :

43 – Titres de chansons Hubert-Félix Théfaine  (Kildar/ soutenu par Dame Aga)

Ecrire un texte à l’aide de 35 titres de chansons de  Hubert-Félix Thiéfaine
Que ce soit en prose ou en vers importe peu, la seule « obligation » sera d’utiliser au moins 20 de ces titres sur les 35 proposés.
j’en ai utilisé 32 : je t’en remets au vent  /  l’ascenseur de 22h43  /  la cancoillotte  /  la fille du coupeur de joints  /  la fin du Saint Empire Romain Germanique  /  la maison Borniol  /  le chant du fou  /  première descente aux enfers par la face Nord  /  la vierge au dodge 51  /  la môme kaléidoscope  /  dernière station avant l’autoroute  /  rock autopsie  /  autorisation de délirer  /  alligators 427  /  113è cigarette sans dormir  /  Narcisse 81  /  mathématiques souterraines  /  taxiphonant d’un pack de Kro  /  cabaret ste lilith  /  une fille au rhésus négatif  /  exil sur une planète fantôme  /  ad orgasmum aeternum  /  les dingues et les paumés  /  je ne sais plus quoi faire pour te décevoir  /  amant destroy  /  pulque, mescal y tequila  /  droïde song  /  demain les kids  /  un automne à Tanger  /  542 lunes et 7 jours environ  /  Zoo Zumains Zébus  /  Lorelei sebasto cha

*

LE MONDE DE LORELEI

 

 

Je ne sais plus quoi faire pour te décevoir, te faire réagir, que tu cesses de me voir comme ton alter ego, que tu me quittes, quoi ! Je savais pas partir, je savais pas quitter, mais là, je t’en remets au Vent Bleu de cette fichue planète, je te laisse avec les dingues et les paumés qui ne te lâchent plus, ces « nerds » fondus de mathématiques souterraines trop shootés au Belzébuth ou au Narcisse 81 pour savoir ce que ça veut dire et pouvoir en faire profiter les filles.

542 lunes et 7 jours environ de ce foutu monde passés avec toi, ça ferait long sur Terre. Me voilà en exil sur une planète fantôme, je suis devenue une fille en noir et blanc, une fille au rhésus négatif tellement tu m’as chargée aux toxiques, une fille qui vient de faire sa première descente aux enfers par la face Nord, pour te dire comment je suis glacée…

Ca m’étonnerait que tu comprennes pas, c’est quand même à la Maison Borniol qu’on s’est rencontrés, pour le lancement de la nouvelle Narcisse, une sacrée explosion dans les veines et dans la tête. Tu me voyais en mosaïque, tu m’as appelée « la môme kaléidoscope », mince, j’avais jamais tripé comme ça ! On a plongé dedans, mais moi moins que toi et tes copains. C’est pas venu tout de suite, mais c’est venu quand même. Et cette nuit, à la 113è cigarette sans dormir (puisque tu t’amuses à faire ton compte à rebours vers le Néant) et au 45è cocktail pulque, mescal y tequila, j’ai ouvert les yeux, j’ai vu, je me suis souvenu, c’est pas une vie, c’est pas ma vie, ça.

Je suis partie, Hubert, tu seras le seul amant destroy de ma petite collection.

Lorelei Sebasto Cha, la fille du coupeur de joints de Tarifa (Félix Cha, le seul détenteur d’un agrément gouvernemental), marche d’un pas fatigué dans l’allée C qui mène à la Station 4.

Elle veut rentrer sur Terre.

Avant d’attaquer sa spécialisation en technogénétique sur les alligators 427, elle avait voulu s’offrir un tour des Planètes Extérieures, une autorisation de délirer, en somme, parce qu’une fois « tatouée » au Ministère de la Survie, c’en serait fini des voyages, des petits plaisirs, des moments où l’on se laisse flotter, divaguer, rêver.. Au moins pour vingt ans. Elle le savait, elle l’avait choisi. Tant d’espoirs reposaient sur ces alligators, sur cette erreur de manipulation au Labo 50, un automne à Tanger… On vivait si mal sur Terre, mais trop de gens préféraient fuir à l’Extérieur pour vivre ad orgasmum aeternum, sans chercher à comprendre, sans vouloir essayer, un peu. Pour Lorelei, c’était assez limpide : l’écodictature était nécessaire, difficile à vivre mais incontournable, d’autant qu’aucun de ces autres mondes ne disposait naturellement de tout ce que la Terre leur avait longtemps prodigué pour faire d’eux les Humains. Seulement des mondes artificiels, qui finiraient par s’écrouler, plus vite encore que la planète mère.

Lorelei avait fait son choix. Très tôt. Peut-être quand elle avait entendu le chant du fou. Un tout petit homme, tout gris, tout sale, qui avait squatté le Vieux Schnoque (le dernier arbre de Toulouse) deux matins de suite, chantant sa Droïde Song où il était question de la fin du Saint Empire Romain Germanique. Elle n’avait pas tout compris, mais se souvenait encore des derniers mots de la chanson que le petit homme sifflait, les yeux exorbités et larmoyants : « Demain les kids, vous finirez au Zoo Zumains Zébus ! » . Il avait été embarqué par la Garde Verte et avait sans doute fini à la Cancoillotte, « là où c’est qu’on t’met la cervelle en fromage » lui avait expliqué sa grand-mère.

Le voyage était terminé, se terminait assez mal d’ailleurs. Pendant des mois, elle avait fait presque tous les trucs dont elle avait entendu parler : l’ascension de la vierge au dodge 51, sur Elizabeth I ; le fameux concert permanent de musique décadente « Rock Autopsie » sur Metal-i-KA ; les joutes artistisques du Cabaret Ste Lilith sur Oulipo ; la fabuleuse glissade sur le toboggan temporel juste en « taxiphonant d’un pack de Kro », sur Delirium Tremens (publicité mensongère, soit dit en passant, puisqu’on numérotait le code sur un plasma dernier cri, assis sur un antique pack de Perrier !) ; les incroyables expérimentations musicales sur les instruments naturels de la planète Thiéfaine. Elle avait détesté le safari sur la planète Zoo, adoré le trek sur Arakis, planète des sables puis atterri sur Fiesta pour terminer, croyait-elle, en explosive beauté. Entre la lecture du petit guide avant de quitter la Terre et son arrivée à Samba, le quartier le plus populaire, la petite planète avait perdu l’essentiel de ce qui avait fait d’elle le centre des festivités joyeuses et rythmées : les pôles d’organisation et les différentes troupes s’étaient peu à peu fait infiltrer par des trafiquants de toxiques pour qui s’amuser rimait avec se défoncer.

Elle marchait d’un pas fatigué, mais l’esprit alerte et vigilant, observant chacun des corps allongés ou entassés sur les côtés de l’allée. Tout pouvait désormais arriver, elle était seule.

Elle se sentit enfin en sécurité lorsqu’elle eut franchi l’espèce de boudin jaune qui cernait la Station.

–         « Un jeton pour l’ascenseur de 22h43, STP. »

–         « Désol, miz, il est en panne. T’as le 22h71 à la dernière station avant l’autoroute, un service touk touk peut t’y escamper avec les autres voyageurs d’ici quelques sec’. »

–         « Cool. »

–         « Il reste que de la Classe Plastique, tu prends quand même ? Bien, arrivée sur Gibraltar à 5h22, température 34, indice nuageux Acide Léger, indice CO2 inchangé. Les combis sont dans l’ascenseur, maintenant, on a changé les règles, c’était pas assez fun. Voilà ton comprimé. »

22 juin 2008

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22 juin 2008

Un commentaire

  1. commentaires rapatriés
    Posté le 26 février 2010 à 22 h 16 min | Permalink

    1) Pas mal du tout pour un petit truc juste pour passer le dimanche. Et surtout super bien écrit, comme toujours. J’ai eu quand même un peu de mal à suivre, mais il est vrai que je ne dois pas avoir ta culture science-fictionnesque, visible à bien des allusions. Mais j’ai bien rigolé pour Félix le Chat et son agrément gouvernemental, ça c’était bien de chez nous…
    Commentaire n°1 posté par Jean-Jacques le 22/06/2008 à 22h19

    => Ooohh, tu fais ton modeste, là! C’est bien de ta bibliothèque que je tire cette culture, et toi, tu les as TOUS lus!
    Où as-tu eu du mal à suivre?
    Réponse de mariev le 23/06/2008 à 09h05

    2) excellentissime. Là je dis « bravo » au debut…on nage,puis on voyage
    Commentaire n°2 posté par Marianne le 23/06/2008 à 00h03

    => « cool », comme dirait Lorelei
    bien heureuse de faire voyager, vraiment, mais ne rate pas l’ascenseur de 22h43!
    Réponse de mariev le 23/06/2008 à 09h08

    3) Avoir du mal à suivre, c’est presque obligé avec le principe du jeu et avec des titres de chansons aussi particuliers. D’ailleurs, puisque tu dis ne pas le connaître, cela devrait t’inciter à aller écouter Thiéfaine, rien que pour voir ce qu’il y a derrière des noms pareils.
    Commentaire n°3 posté par Jean-Jacques le 23/06/2008 à 10h31

    => C’est prévu, bien sûr, et petit frère m’a déjà expliqué deux trois trucs
    Réponse de mariev le 23/06/2008 à 10h55

    4) Merci pour ton comm qui me donne l’occasion de découvrir ton blog, et un joli coup de plume pour cette consigne tout sauf évidente… (elle murit encore pour moi)
    Commentaire n°4 posté par pandora le 23/06/2008 à 20h56

    => Welcome pandora! J’attends ta trouvaille pour cet exercice, je pense que je ne serai pas déçue au regard de ce que j’ai pu lire chez toi
    Réponse de mariev le 23/06/2008 à 21h42

    5) vraiment super!!! et comme tu le dis ce n’était pas facile
    Commentaire n°5 posté par scoobydu41 le 25/06/2008 à 18h06

    => Merci beaucoup!
    Pas facile, certes, mais très très fun au bout du compte!
    Réponse de mariev le 25/06/2008 à 19h38

    6) Participation assez extraordinaire. J’avoue n’avoir pas eu le courage de me lancer dans cet exercice…
    Commentaire n°6 posté par Harmonie le 29/06/2008 à 20h11

    => Je tournais autour, je savais pas trop quoi en faire … et puis un dimanche matin…
    Merci
    Réponse de mariev le 29/06/2008 à 20h37

    7) Bonjour, Non tu ne me connais pas, depuis quelques temps je lisais les consignes de la communauté Ecriture Ludique et je m’amusais dans mon coin sans rien partager. Alors, ce matin, j’ai ouvert un blog ici puis j’ai tout effacé ! En effet plus ignare que moi dans le monde des blogs tu ne trouveras pas ! Il fallait trouver une solution et je l’ai trouvée en créant un blog sur Blogger. Là aucun problème, tout est simple et je m’y suis immédiatement sentie bien. J’ai déposé mon texte (consigne Thiéfaine) et j’espère avoir des visites car pour l’instant… ben… y a pas foule ! J’ai un peu peur car je découvre des textes vraiment bien écrits (ici encore c’est le cas) très différents les uns des autres. Je vais de surprise en surprise. Bravo donc pour ce que Thiéfaine t’aura inspiré et je m’en vais de ce pas vers une autre découverte. Bonne journée !
    Commentaire n°7 posté par Cédille le 08/07/2008 à 14h51

    => Bienvenue cédille!
    … dans notre petite communauté;
    * alors, déjà, il faudrait que ton blog…existe! Le lien que tu as mis m’envoie sur un message de Blogger comme quoi ton blog n’existe pas…; j’ai tenté avec diverses orthographes ainsi que le truc du tiret entre chaque mot, mais nada
    * si tu ne l’as pas déjà fait, fais-toi connaître de Kildar et Michel sur la communauté : au pire, si tu n’as pas de blog tout de suite, ils devraient consentir à ce que tu leur envoies le texte…, ils publient parfois sur le site même
    * tu risques de ne pas avoir « foule » pendant un temps, mais être dans une communauté permet quand même de se faire connaître; poster chez les autres aussi (uniquement si ce que tu y trouves te plaît, évidemment)
    * de quoi as-tu peur? Tu es comme nous tous, je présume, avec l’envie d’écrire pour dire, dire la mélancolie, la joie, les délires, les mondes qui nous traversent. Parfois on sent que ça ne coule pas de source du stylo, et alors? parfois il y a de grosses fautes d’orthographe ou de grammaire, et puis? Tant que le contenu y est pour une partie de tes lecteurs, ben c’est beau! Surtout à une époque où l’on se plaint beaucoup que les enfants n’aiment pas lire…
    Dans mes balades au fil des blogs, je vois des textes parfaits (grammaire, lexique, idéé originale..) mais ça ne prend pas mon coeur ou ma tête à moi, j’en vois des magnifiques à tous points de vue, j’en vois des maladroits superbes…
    Good Luck! (en espérant que tu liras ceci, pour la non-existence actuelle de ton blog)
    Réponse de mariev le 08/07/2008 à 15h22

    8) beaujour et ben dites donc, tu es super bien inspirée ! il manque juste les dessins et on y est dans la planête bd fiction ! j’aime bien meme beaucoup !
    Commentaire n°8 posté par rsylvie le 09/07/2008 à 09h20

    => Ah merci! c’est vrai qu’il pourrait y avoir des dessins… j’ai deux mois pour trouver un illustrateur sur le web (j’y pensais déjà pour d’autres articles)
    Merci de ton passage :)
    Réponse de mariev le 09/07/2008 à 19h07

    9) Je suis comme Lorelei, je n’ai pas tout compris… Mais je t’admire d’avoir su tirer quelque chose de ce tas d’incongruités… C’est le 3ème texte que je lis , au sujet de cette proposition de jeu d’écriture ludique, et je suis entrain d’attraper mal à la tête, à essayer de tout comprendre… J’en ai même la nausée… Tout se mélange, c’est terrible… Bon, je vais faire une pause… A bientôt.
    Commentaire n°9 posté par babeth le 09/07/2008 à 18h03

    => Je comprends très bien ta réaction; moi-même, alors que j’ai fait l’exercice, j’attrape vite le tournis en lisant les autres, du coup j’ai ralenti le rythme de la découverte, d’autant que quelques uns n’ont pas toujours « justifié » l’emploi de certains titres (les contextes n’expliquent rien) et on se perd vite dans un enchaînement trépidant et pas toujours cohérent. Dans certains cas, ça passe parce qu’on baigne dans une atmosphère énigmatique ou onirique….
    sans compter que nous avons presque tous traité de la drogue, ou de quelque chose de souvent cauchemardesque, alors forcément, on finit par se sentir mal en lisant toutes les contributions à la suite!
    Allez, repose-toi bien…
    à bientôt, ici ou là
    Réponse de mariev le 09/07/2008 à 18h32

    10) Hubert Félix : la maison Borgniol qui fait des tarifs de groupe pour les suicides collectif et qui vante les mérites de la cancoillotte… mêmes références nous avons comme dirait maître Yoda, tu sais, celui qui parle à l’envers. La Loreleï… ça fait parti de la geste de Bretagne des chansons de geste avec la Table Ronde, Perceval (celui qui perd son cheval) et qui devient Parsifal chez les teutons. Bref, j’adore ta prose… je l’ai déjà dit ?… je me répète, normal à mon âge.
    Commentaire n°10 posté par Beranger le 24/07/2008 à 16h13

    => Attention … je ne connais pas Hubert-Felix Thiéfaine, figure-toi : c’était une consigne d’écriture!
    Je m’étais juré d’aller voir d’ailleurs de plus près ces chansons aux titres décoiffés (mon frérot s’est chargé de me chanter deux trois trucs, il connaît, lui), tu me le rappelles!
    Pffuiiit, j’y vais de ce pas!
    Réponse de mariev le 24/07/2008 à 16h25

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